
« Ça met dans la peau d’un autre et on croit qu’on va s’en sortir comme ça. »
Frédéric
C’est un hôpital psychiatrique sur l’eau, une péniche en plein Paris. Un hôpital de jour, c’est-à-dire qu’on n’y dort pas. On y vient pour assister à des ateliers, à des réunions, pour se rencontrer.
La caméra filme le soleil à travers les persiennes, la beauté de ce lieu étrange, sorte de gros animal endormi. Elle filme surtout les êtres qui le peuplent, les mots qui percutent, les regards qui transpercent. Certains parlent face caméra, un peu cabots, d’autres l’ignorent.
On voit des êtres aux corps hésitants, des présences fragiles, au bord du gouffre : « On a des têtes un peu cassées peut-être ? Je sais pas. »
C’est un lieu ouvert sur la cité qui accueille des patients mais aussi des intervenants qui passent. Ouverture au monde, à la parole, aux autres. Pour sortir de sa tête, sortir de la maladie qui obsède, éloigner un peu la souffrance. On y parle cinéma, on y joue de la musique – « Personne n’est parfait, personne n’est parfait » –, on y fait les comptes ou la cuisine.
Pas de signes distinctifs entre soignants et soignés, pas de blouses, pas de badges, pas de bureaux. Ici, on s’adresse à l’humain dans sa singularité et sa complexité, pas au malade.
« Faire un documentaire en psychiatrie, c’est se confronter à l’inconnu, dit l’auteur du documentaire, Nicolas Philibert. Ne pas savoir quel chemin ça va prendre, comment ça va se construire petit à petit. » Se nourrir de l’imprévisible, de ce qui échappe à la maîtrise. « Tout en étant cinéaste, je peux avoir une fonction soignante, ajoute-t-il. Cette caméra, je l’ai senti, pouvait faire du bien. »
À l’image de l’esprit du lieu, la caméra s’intéresse au sujet pensant, à la rencontre sensible avec cet autre qui fait peur. Loin, bien loin du fantasme du « tout neurologique ».