Dans La Maison du docteur Edwardes, Hitchcock met en scène une vision délicieusement naïve et joliment dépassée de la psychanalyse. Ce qui n’enlève rien au charme de l’œuvre ni au génie du réalisateur !
Gregory Peck souffre d’amnésie, il risque d’être condamné pour un crime qu’il n’a pas commis. La psychanalyste Ingrid Bergman vole à son secours. Sa mission consiste à lui faire retrouver la mémoire, son identité et l’assassin du docteur Edwardes.
Gregory Peck et Ingrid Bergman sont, bien sûr, amoureux (love at first sight). Leur idylle, et la transgression d’une règle fondamentale, n’empêchent pas le traitement, au contraire. « Croyez-vous que vous m’aimerez quand je serai redevenu normal ? », demande le héros.
Ingrid Bergman poursuit Gregory Peck de questions insistantes destinées à réveiller une mémoire endormie, à retrouver un détail, une bribe d’un passé disparu. Elle soumet son patient à un traitement de choc – leur temps est compté, ledit patient risquant la chaise électrique – en le pressant de se souvenir de ce dont il ne se souvient pas… jusqu’à la syncope.
La psychanalyste comprend que son patient a formé un « souvenir écran », sorte de protection contre un autre souvenir, excessivement douloureux. Ils partent alors à la recherche de ce souvenir d’enfance, cause de tous ses malheurs.
Hitchcock met le rêve du héros au centre de l’intrigue : c’est en le déchiffrant que la psychanalyste découvre l’identité du meurtrier. Le rêve, rencontre d’une pensée consciente et d’un désir inconscient, est bien ici la voie royale vers l’inconscient…
Les débuts de la psychanalyse
La psychanalyse des débuts utilisait l’hypnose, la suggestion ou la catharsis, comme méthodes thérapeutiques. Il s’agissait de faire revenir à la conscience un souvenir inconscient, d’en libérer l’affect, de faire parler le patient en lui faisant revivre l’émotion vécue. Ingrid Bergman se livre à un exercice proche de ce que l’on imagine être la méthode cathartique. Proche aussi de la suggestion, qui consistait en des sollicitations verbales insistantes, des idées fixes imposées au patient.
Freud part de la méthode cathartique pour s’en détacher. Il s’aperçoit que les souvenirs oubliés ne sont pas perdus mais qu’une force, la résistance, les oblige à demeurer inconscients. L’analyse est cette traversée des résistances. Très schématiquement, la relation à l’analyste réveille des affects de l’enfant que nous étions, ce qui entraîne des résistances : ces affects avaient été refoulés, c’est angoissant de les voir resurgir. La relation à l’analyste, qui est à la fois un point de résistance et le levier du changement, permet au patient de traverser ces résistances pour mieux les dépasser.
Freud renoncera ensuite à l’hypnose pour aller vers l’« association libre », la parole spontanée du patient.
La psychanalyse, en construction, connaîtra de nombreux remaniements, son initiateur n’ayant de cesse d’ajuster la théorie à la lueur de ce qu’il observera auprès de ses patients. C’est ce qui fait la richesse et l’originalité d’une discipline qui ne se fige pas dans un carcan dogmatique. La théorie reste en éveil, la pratique est en mouvement.