La transgression

Blog | Sophie Cohen psychologue Paris 5e

Faire la fête, d’autant plus quand c’est interdit, est un exutoire en temps de crise, comme le montre cette vidéo humoristique qui met en scène des « free parties ». Carnavals, férias sont aussi des périodes de fête et de transgression. Transgressions limitées dans le temps et qui deviennent socialement acceptables.

De quoi parle-t-on lorsqu’on parle de transgression ? On parle de lois, d’interdits, de limites. De limites contestées dans leur fonction. La fonction des limites pourrait être de contenir la recherche de plaisir, de la border pour empêcher qu’elle ne devienne force destructrice. La limite contraint, mais c’est pour mieux contenir l’angoisse. Une angoisse née d’un trop-plein, d’un débordement.

Car trop de liberté est source d’angoisse. « Jouir à tout prix » est un impératif libérateur qui se révèle psychiquement coûteux. Érigées en normes, en compétences, les injonctions à « profiter », à « savourer » et autres carpe diem relèvent du fantasme. Si la liberté, au sein de la société, est réjouissante, elle est angoissante du point de vue de l’inconscient, c’est-à-dire de la part refoulée de nous-même, celle des désirs et des interdits.

Trop de liberté est source d’angoisse

Selon Freud, c’est parce que nous cherchons, en vain, à assouvir notre soif pulsionnelle que nous sommes en quête permanente de satisfactions. Les pulsions sont, dans le meilleur des cas, refoulées : c’est ce qui nous permet de vivre ensemble. Plus de refoulement signifierait plus de lien social et mènerait au règne de la toute-puissance, à la primauté de la volonté individuelle de celui qui ignore la loi. Une loi qui protège l’individu en garantissant les prohibitions majeures édictées par la société.

Les limites permettent donc de prévenir un excès pulsionnel générateur d’angoisse. Elles permettent aussi de vivre en société. Si l’on s’appuie sur le mythe œdipien, c’est le dépassement du complexe d’Œdipe qui permet à l’enfant d’accéder aux limites, d’intégrer les interdits parentaux pour se les approprier. Non, il ne pourra jamais posséder sa mère et évincer son père. C’est parce qu’il est bordé par l’interdit de l’inceste que l’amour de l’enfant pour sa mère perd sa part d’érotisme. Et qu’en retour, l’amour de la mère pourra apprendre à l’enfant à aimer.

Dans un contexte thérapeutique, les limites, autrement dit le cadre, sont une notion fondamentale. Le lieu, le temps, les règles de la séance sont un préalable à la rencontre avec le patient. Les limites permettent le processus thérapeutique, garantissent une sécurité, une fiabilité, une continuité. Pour que puisse advenir le changement.